jeudi 7 mars 2013

Le Manoir d'Emma Cavalier

Le Manoir
d'Emma Cavalier

Éditions Blanche


Sortie le 25 août 2011
Format broché / 298 pages / Prix 18,00 €

Présentation de l'éditeur :

Le Manoir est le récit de Pauline, jeune archiviste chargée de mettre de l'ordre dans les documents accumulés dans une demeure consacrée depuis un siècle à des pratiques et des rencontres sadomasochistes. Totalement ignorante de cet univers, Pauline entrevoit un monde étonnant de fantasmes. A cette découverte troublante que nous suivons pas à pas au gré des documents classés par Pauline, se mêle une expérience bien réelle avec son employeur, Julien, qui lui impose des règles en fonction de ses caprices. Aux prises avec cet homme qui associe allègrement la souffrance avec le plaisir, la complicité avec la brutalité, Pauline se retrouve face à elle-même, à ses propres désirs et à ses propres choix. Nous suivons alors son apprentissage, celui de la douleur consentie, du plaisir, de l'amour et de l'acceptation de soi.


Mon avis :

Attention, ce roman comporte des scènes pouvant choquer. Pour adultes avertis.

Le Manoir est actuellement en rupture de stock. Quelques exemplaires sont peut-être encore disponibles d'occasion, mais rien n'est moins sûr. Les éditions Blanche, à ma connaissance, n'envisagent pas de rééditer ce roman... C'est bien dommage.

Après Fifty Shades of Grey d'E.L. James (finalement bof), 80 notes de jaune de Vina Jackson (percutant) et certains titres de Maxim Jakubowski (auteur apparemment peu connu en France) comme Montana ou encore Confessions d'un pornocrate romantique (surprenant et sans fard, pour le moins), je poursuis ma quête de connaissances du monde BDSM en me procurant Le Manoir... et là, c'est l'apothéose. Tout y est. Tout ce que je voulais voir, lire, ressentir, craindre aussi. Une vraie plongée en apnée où respirer n'a aucune importance.

L'histoire commence simplement. Pauline est archiviste et se présente à la demeure des Andringer pour un entretien d'embauche, mais très vite, l'auteur nous plonge dans l'ambiance, sans détour :
« — Afin de nous faire gagner du temps à tous les deux […] la maison où tu te trouves, que nous appelons communément « le Manoir » est un lieu de rencontres sadomasochistes […] si tu travailles ici, tu y seras confrontée quotidiennement. […] Si cela te pose un problème, je t'invite à partir tout de suite. »
Pauline n'émet aucune objection, même si, dans sa tête, tout se chamboule instantanément. Elle ignore encore à quel point, mais elle vient d'entrer dans un univers qui va la changer à jamais.

J'ose dire que, si certaines scènes sont redondantes dans leur forme et pas nécessairement érotiques dans le sens littéral du terme, il y a dans ce roman toute une mise en œuvre impliquant le lecteur de façon plutôt judicieuse ne pouvant, à aucun moment, le laisser indifférent. La personnalité de Pauline est rapidement cernée. Cette jeune femme est dotée d'un caractère vif, plutôt déterminé et va fatalement se frotter à l'autorité du maître des lieux. Je dirais même, du Maître, tout court. Car son employeur, Julien, est certainement l'individu auquel Pauline n'aurait jamais imaginé se soumettre, si tant est qu'elle jamais songé à se soumettre à qui que ce soit.
Nous sommes, lecteurs curieux et avertis, soumis en même temps qu'elle, bien que de façon singulièrement différente, assurément. Tout à tour, nous allons suivre l'initiation de cette jeune femme que rien ne préparait à une telle vie, à de tels actes, ni même à de telles idées. Avec elle, nous allons découvrir ce qui se passe réellement au Manoir. Avec elle, nous allons craindre, souffrir, nous insurger, trembler, pleurer... et aimer aussi.
Car Le Manoir est avant tout, et je dirais même surtout, une romance. Une vraie. À la différence près que l'approche des sentiments éprouvés par les protagonistes sont quelque peu insolites pour le néophyte, voire impensables.
Pourtant, il s'agit bien d'amour et, au fil des pages, nous en prenons violemment conscience. Julien a un passif très intense dans le milieu (je tairai les détails pour ne pas gâcher le plaisir des futurs lecteurs), mais pour lui, rien ne se fait à moitié. Quant à Pauline, elle découvre des sensations coupables, honteuses, inquiétantes... tout en étant curieuse d'en savoir plus, d'en ressentir plus.

Entraîné dans une spirale addictive, le lecteur passera par chacun des caps vécus par Pauline, par chacun des doutes éprouvés par Julien, par chaque morsure, coup de cravache ou de fouet. Observateurs et témoins impudiques, nous sommes aspirés dans ce récit tantôt choquant, tantôt effrayant, parfois même révoltant... mais nous poursuivons la lecture, tout comme Pauline se perd dans cette atmosphère ambiguë dont elle sait qu'elle ne saura plus se passer.
Nous tournons les pages, les unes après les autres, avides de savoir jusqu'où tout cela peut aller, s'il y a une limite à la dévotion de la jeune femme, un seuil qu'elle refusera de franchir.

C'est une lecture bouleversante dans tous les sens du terme. Des émotions et sentiments fortement contradictoires m'ont assaillie tout le long de mon périple dans ce Manoir à l'histoire dérangeante. Pourtant, en fermant le roman, j'éprouvai un manque à l'idée que c'était déjà fini. J'ai été sincèrement émue par ma lecture, autant que j'ai été troublée, gênée, choquée... Mais, incontestablement, Le Manoir est LE roman à lire si vous voulez découvrir le juste dosage entre soumission, domination et romance.

Un premier roman pour Emma Cavalier, et, sincèrement, j'espère que d'autres suivront, qu'ils voguent ou non sur ce thème qu'elle a su amadouer avec tact et réalisme, car sa plume, en plus d'être subtile, franche et agréable, sait jongler avec les mots pour leur donner la force qu'il faut.
Bref, je ressors grandie de ma lecture. Grandie et changée...


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